Burn-out chez l'adulte

Publié le 17 novembre 2025 à 18:48

Article de blog : Burn-out chez l’adulte : signes, prise en charge

Introduction

Le burn-out, ou épuisement professionnel, est une réalité douloureuse qui peut toucher n’importe qui. Pourtant, il reste trop souvent mal compris : ce n’est pas simplement une « grosse fatigue », et ce n’est pas une honte. Dans cet article, je vous propose de comprendre ce qu’est le burn-out — avec ses causes, ses signes, et comment je l’accompagne dans la pratique en tant que psychologue / neuropsychologue —, tout en vous donnant des pistes de ressources et d’espoir.


1. Qu’est-ce que le burn-out ?

1.1 Définition et cadre conceptuel

  • Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, CIM-11), le burn-out est un syndrome résultant d’un stress professionnel chronique mal géré. Il se manifeste par trois dimensions : épuisement, distance mentale (cynisme, négativisme) et réduction de l’efficacité professionnelle. Psychomédia+1

  • Il est classé comme un phénomène professionnel (et non comme une maladie psychiatrique à part entière). Psychomédia

  • D’un point de vue clinique, Christina Maslach — psychologue pionnière sur le sujet — a défini le burn-out comme un syndrome en trois dimensions :

    1. Épuisement émotionnel — sentiment de vide, fatigue, saturation. ANFE+2Dipot+2

    2. Dépersonnalisation (ou cynisme) — prise de distance vis-à-vis du travail, des collègues, parfois une perte d’empathie. ORS Nouvelle Aquitaine

    3. Diminution de l’accomplissement personnel — sentiment d’inefficacité, de ne plus « servir à rien », baisse de l’estime de soi. ANFE

  • Ces trois dimensions sont mesurées par un outil très utilisé : le Maslach Burnout Inventory (MBI). Wikipédia+1

  • Une méta-analyse sur les données du MBI montre que l’épuisement émotionnel et le cynisme sont fortement corrélés, tandis que l’accomplissement personnel est corrélé négativement aux deux autres dimensions. PubMed

1.2 Risques organisationnels et contexte de travail

  • Le burn-out n’est pas uniquement lié aux caractéristiques individuelles : le contexte de travail joue un rôle central. Une revue systématique (avec méta-analyse) a montré que des facteurs tels que faible contrôle au travail, surcharge, faible soutien social, manque de justice au sein de l’entreprise sont fortement associés à l’épuisement émotionnel. BioMed Central

  • Autrement dit, le burn-out est bien un processus interactif entre l’individu et son environnement professionnel.


2. Signes cliniques que j’observe en consultation

En tant que psychologue, voici les signes que je rencontre le plus souvent chez mes patient·es :

2.1 Signes psychologiques et émotionnels

  • Épuisement : sentiment permanent d’être vidé, incapacité à récupérer même après du repos.

  • Perte d’intérêt : plus d’enthousiasme au travail, abolissement du plaisir, baisse de motivation.

  • Anxiété : inquiétudes constantes, peur de ne pas pouvoir tenir, peur de l’avenir.

  • Perte de sens : beaucoup de mes patients disent : « je ne sais plus pourquoi je travaille » ou « ça n’a plus de sens ce que je fais ».

  • Sentiment de culpabilité et honte : très fréquent. Beaucoup se culpabilisent de ne pas « réussir à faire face », d’être « moins bon·ne », alors que leur souffrance n’est pas visible aux yeux des autres.

2.2 Signes physiques

  • Fatigue chronique, faiblesse, perte d’énergie.

  • Céphalées (maux de tête) récurrents.

  • Troubles gastro-intestinaux (nausées, douleurs, troubles digestifs).

  • Faiblesse musculaire et parfois douleurs diffusent.

2.3 Signes « silencieux » ou moins visibles

  • Culpabilité :  les patient·es ont souvent honte — « si j’avais une blessure visible, les gens comprendraient, mais là… »

  • Perception d’incompréhension : certains se sentent jugés, incompris, et minimisés par leur entourage.

  • Isolement : retrait social, repli, car ils/elles ont l’impression qu’« on ne peut pas comprendre ».


3. Parcours des patients : pourquoi et quand elles/ils consultent

  • Beaucoup consultent au moment de l’effondrement, souvent après un arrêt maladie, sur recommandation du médecin généraliste.

  • Parfois, le burn-out dure depuis longtemps avant d’être reconnu. Il peut y avoir des années de souffrance non traitée, surtout si le médecin traitant n’a pas pensé à orienter vers un·e psychologue.

  • Les profils que je rencontre dans ma pratique :

    • très peu de managers,

    • peu (ou pas encore) de professionnels de la santé dans ma patientèle,

    • surtout des employé·es, des métiers d’exécution ou des postes où la charge de travail est forte, où les heures supplémentaires sont nombreuses, et où le contrôle (la marge de décision) est faible.


4. Mon approche thérapeutique : écoute, compréhension et acceptation

Voici comment je construis l’accompagnement clinique du burn-out chez moi, étape par étape :

4.1 Première séance : bienveillance et alliance thérapeutique

  • Beaucoup d’écoute active, sans jugement, dans un climat de sécurité psychologique.

  • Permettre au patient de poser des mots sur ses émotions, ses expériences et ses peurs.

  • Créer un espace où le patient peut prendre conscience de la validité de sa souffrance : ce qu’il ou elle vit n’est ni irréel ni honteux.

4.2 Objectifs thérapeutiques

  • Acceptation : reconnaître la souffrance, la légitimer, cesser de se culpabiliser.

  • Travail cognitif : identifier et déconstruire les pensées automatiques négatives (peurs, croyances non fondées).

  • Culpabilité : travailler spécifiquement sur ce sentiment — souvent lourd — pour le désamorcer.

  • Sens de la vie : redéfinir ce qui compte pour la personne, remettre elle-même au centre, pas seulement le travail.

  • Équilibre des sphères : rappeler que la vie ne se résume pas au travail — la vie familiale, sociale, l’épanouissement personnel sont tout aussi essentiels.

4.3 Stratégies et outils concrets

  • Repos structuré : expliquer au patient que son cerveau a puisé dans ses ressources, qu’il/elle a besoin de repos, mais sans tomber dans un repos incontrôlé (par exemple, éviter de faire des siestes de trois heures sans structure).

  • Journal émotionnel : inviter à écrire pensées, émotions, réactions comportementales, quantifier l’intensité émotionnelle, analyser les déclencheurs. Cela permet un travail cognitivo-comportemental plus ciblé.

  • Restructuration cognitive : travailler ensemble sur les croyances et peurs irréalistes : « si je ralentis, je vais perdre ma place » ; « je ne suis bon·ne que si je donne tout » ; etc.

  • Travail émotionnel / acceptation : accueillir les émotions (peur, colère, tristesse), comprendre leur rôle, apprendre à vivre avec elles sans s’y battre.

  • Réconciliation avec soi-même : redéfinir les priorités, se reconnecter à son propre sens, à ce qui fait que la vie a de la valeur au-delà du travail.

4.4 Reprise du travail

  • Je ne parle pas immédiatement de la reprise du travail dès le début de la thérapie : je privilégie d’abord l’établissement d’un recentrage sur soi-même.

  • La reprise du travail se prépare quand la personne peut dire « je vais mieux » sans ce petit « mais » accablant.

  • Il faut s’assurer que la personne soit capable de gérer ses différentes sphères de vie (personnelle, familiale, sociale) avant de réintroduire la pression professionnelle. L’idée : le travail vient après le soin à soi.


5. Un message d’espoir et de compassion

À vous, qui lisez ces lignes et vous reconnaissez un peu ou beaucoup dans ces signes :

  • Ce que vous vivez n’est pas une honte. Vous n’êtes pas « faible » ou « nul·le », vous êtes épuisé·e parce que vous avez donné beaucoup, parfois trop.

  • Prenez le pas de demander de l’aide : le simple fait de consulter un·e psychologue, de dire « je ne vais pas bien », est une victoire. Cela montre que vous reconnaissez la réalité de vos souffrances et que vous êtes prêt·e à avancer.

  • Apprenez à vous écouter : ce que vous ressentez compte. Votre manager, vos collègues, vos supérieurs ne savent pas forcément ce qui est juste pour vous — mais vous, vous le savez.

  • Protégez votre vie privée : vous n’êtes pas obligé·e de tout dévoiler, surtout si cela pourrait se retourner contre vous.

  • Petit à petit, vous pouvez guérir. Chaque étape compte. Le chemin de la guérison n’est pas linéaire, mais commencer, c’est déjà aller mieux.


Conclusion

Le burn-out est une souffrance profonde, mais il peut être compris, pris en charge et soulagé. Il ne s’agit pas seulement de reposer le corps : il faut aussi se reconstruire émotionnellement, intellectuellement, retrouver du sens. Avec une thérapie bienveillante, des outils adaptés et un accompagnement centré sur l’acceptation et le rééquilibrage de la vie, il est possible de retrouver une voie vers un mieux-être durable.


Bibliographie

  1. Haute Autorité de Santé. Repérage et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel (burn-out). Recommandations HAS. Haute Autorité de Santé

  2. Maslach, C. & Jackson, S. E. (1981). Maslach Burnout Inventory (MBI). (outil d’évaluation des trois dimensions : épuisement, dépersonnalisation, inefficacité). Wikipédia

  3. Schaufeli, W. B. & Greenglass, E. R. (2001). Introduction to special issue on burnout and health. Psychology & Health. (modèle de stress professionnel) Haute Autorité de Santé+1

  4. Systematic review : A systematic review including meta-analysis of work environment and burnout symptoms. BMC Public Health, 2017. BioMed Central

  5. Psychomédia. La définition du burn-out selon l’OMS (CIM-11). Psychomédia

  6. Fréquençe Médicale. Burn-out : le syndrome d’épuisement professionnel. Fréquence Médicale

  7. Centre Emergences. Mais un burnout, c’est quoi ? Description des dimensions selon Maslach + critique. Centremergences

  8. EM-consulte. Le burn-out : définitions, limites et données biologiques. EM Consulte